Tout homme est un abuseur

1/ Je n’ai pas accepté cette idée tout de suite : « tout homme est un abuseur ». J’ai même été plutôt choqué quand j’ai lu cette idée la première fois… sur le site « Crêpe Georgette ».

L’auteur a, par exemple, écrit (dans ‘Détruire la virilité’) :

« On a coutume de dire que seuls les vrais hommes ne violent pas. C’est faux. Seuls les vrais hommes violent. Seuls les vrais hommes se battent et battent. Ceux qui ne violent pas sont ceux qui ont justement renoncé à la virilité (ou qui essaient car y renoncer implique beaucoup de  renoncements, de l’isolement et du courage) ».

Cette idée, je la comprenais, et pourtant je ne la comprenais pas.

2/ Un texte m’a permis d’ouvrir les yeux, que je cite ici. On trouvera la traduction française, dans les commentaires du texte en anglais et dont l’auteur a autorisé la diffusion :

http://feministborgia.wordpress.com/2013/08/28/i-bet-you-think-youre-not-a-rapist/

Je parie que tu penses ne pas être un violeur. Pour toi, pas de cachette dans une ruelle sombre… mais rappelle-toi cette fille qui était tellement ivre qu’elle pouvait à peine se tenir debout. Tu sais que sobre, elle n’aurait pas dit oui.

Je parie que tu penses ne pas être un violeur. Tu sais que « non, veut dire non »… ou du moins, que ça signifie « persuade-moi ». Elle cédera en fin de compte.

Je parie que tu penses ne pas être un violeur. Mais tu te souviens de cette fois où ta copine ne voulait pas faire quelque chose que tu *savais* qu’elle avait fait pour d’autres personnes. Tu ne trouvais pas ça juste. Donc tu l’as harcelée et tu lui as crié après jusqu’à ce qu’elle cède.

Je parie que tu penses ne pas être un violeur. Mais il y a cette chose que tu fais. Tu sais, celle que tu aimes tant, quand régulièrement ton amie virait ta main, ou te disait non, je n’aime pas ça. Ta persévérance a porté ses fruits. Elle laisse tomber maintenant.

Je parie que tu penses ne pas être un violeur. Mais rappelle-toi quand elle te faisait une pipe et qu’elle a essayé de reculer la tête et que tu t’es servi de tes deux mains pour l’immobiliser, parce que tu n’avais pas encore terminé.

Je parie que tu penses ne pas être un violeur. Tu n’as eu qu’à la harceler un peu. Et elle a dit que tu pouvais à la fin, et c’est ce qui compte.

Je parie que tu penses ne pas être un violeur.

Ce texte montre bien la gradation entre les diverses envies masculines. Du ‘harceler un peu’ (‘allez, fais-moi plaisir’) à violer, il y a une différence de niveau, pas de nature.

Dans le premier texte, j’avais très bien entendu : tout homme doit savoir se battre. Même s’il y renonce. Et on peut donc entendre : tout homme doit savoir violer. Même s’il y renonce. En fait, l’homme doit avoir en lui les capacités de conquête, d’agression, de violence en groupe, et en même temps la capacité de maîtrise de soi. « Pas de cela chez nous » dira-t-il des violences qu’il dénigre, tout en félicitant son ami qui a profité d’un ‘bon coup’, d’une tricherie, etc. (cfr les supporters de foot par exemple). La violence et l’abus sexuel restent présents comme possibilité « en cas de nécessité » et comme tolérance envers les autres hommes, dans la solidarité masculine.

3/ Ensuite j’ai pu lire sur http://egalitariste.hommes.tk/2013/08/04/hommes-nos-abus-sexuels/ (un site qui a disparu, et je n’ai donc plus que l’extrait ci-dessous) un texte d’août 2013 : Hommes, nos abus sexuels, dont voici un extrait (au début) :

Ce texte est un projet de tract destiné aux hommes ; un peu didactique, un peu pédagogique… à voir ce que ça donnera, quelles discussions il permettra…

Certains hommes jouent fort bien de leur situation de dominants et méprisent consciemment des femmes en les utilisant/abusant sans scrupules. Ils sont nombreux, mais ils ne sont sans doute pas la majorité. Je veux plutôt m’adresser à ceux qui comme moi gardent le sentiment d’être de bonne volonté, mais ont intégré beaucoup de schémas de notre société patriarcale et ne se rendent pas toujours bien compte : qui outrepassent les limites des femmes « sans le vouloir vraiment »… si tant est qu’une véritable bonne foi soit possible en situation de domination. Car on a aussi appris à abuser plus ou moins consciemment des situations d’autorité ou de pouvoir…

Ce texte introduit à l’idée du consentement. Je n’en dirai pas plus, puisqu’il est inaccessible.

Depuis ces lectures, j’aurais des choses à ajouter sur la violence masculine et sur le consentement. Ce sera pour d’autres articles.

Concluons juste sur ceci : il ne suffit pas de dire ‘moi, je ne viole pas’. Il faut aller à la source de la violence masculine (elle est en chacun de nous) pour en arrêter le flux. 

Chester

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5 commentaires pour Tout homme est un abuseur

  1. alin onim dit :

    Hommes… nos abus sexuels…
    [suit… j’è se tèxt sur l’ordi, & don je rechèrchè l’orijin sur intèrnèt… je n’an sè pa plus mè je le li petètr se soar a ma radio lokal… Je vou posterè le liin si s’è le ka, an atandan, bon lèktur!, @lin]

    Certains hommes jouent fort bien de leur situation de dominants et méprisent consciemment des femmes en les utilisant/abusant sans scrupules. Ils sont nombreux, mais ils ne sont sans doute pas la majorité. Je veux plutôt m’adresser à ceux qui comme moi gardent le sentiment d’être de bonne volonté, mais ont intégré beaucoup de schémas de notre société patriarcale et ne se rendent pas toujours bien compte : qui outrepassent les limites des femmes « sans le vouloir vraiment »… si tant est qu’une véritable bonne foi soit possible en situation de domination. Car on a aussi appris à abuser plus ou moins consciemment des situations d’autorité ou de pouvoir.

    De fait, la façon dont nous sommes élevés, garçons et filles, nous rend aisé, à nous hommes, de provoquer ces situations d’abus…
    Nous sommes soumis à de nombreuses injonctions différentes suivant les sexes, ainsi qu’à des modèles distincts auxquels on est tenus d’adhérer et qu’on reprend le plus souvent sans nous en rendre compte. Globalement, les modèles féminins restent marqués par la « passivité » (en fait, une inhibition à s’affirmer), ceux masculins par un côté volontaire et contrôlant.
    Fille, il faut tout particulièrement être sage, gentille, attentionnée, attentive aux besoins des autres, prendre soin des relations tout en restant au second plan et plus ou moins effacée…
    Garçon, notre identité nous dicte de nous affirmer, prendre de la place, etc. De fait, aussi bien les hommes que les femmes donnent généralement plus de poids à ce que des hommes disent ou veulent. En conséquence, la plupart des garçons sont plus assurés, se donnent un rôle de décideur, et savent clairement ce qu’ils veulent. Le monde appartient aux garçons, aux hommes. Les filles, les femmes en font partie.
    Lorsqu’on a l’habitude d’avoir le pouvoir dans une relation, on développe très peu l’attention à l’autre. En tant que garçons, on n’a pas appris à être attentif aux désirs et aux besoins des filles, à ce qu’elles éprouvent, ni à se mettre à leur place ; ni même bien souvent à y accorder de l’importance. On cultive une sorte de cécité plus ou moins volontaire qui peut causer des dommages terribles. Bien plus, nous faisons très jeunes l’apprentissage – jouissif – de notre droit à l’INattention aux désirs et besoins des femmes, et d’une jouissance à les transgresser dans une foule de conduites, dès le fait de tirer les nattes aux filles, de soulever leur jupe ou de leur enlever impunément leurs jouets.
    Les abus sexuels sont dans la continuité d’une infinité d’abus divers, quotidiens, complètement banalisés et perçus comme normaux : laisser aux filles les tâches domestiques ; parler et décider d’autorité ; prendre seul des initiatives qui ont des conséquences aussi pour les autres, etc.

    Les situations d’abus sexuels de femmes sont fréquentes, dont les conséquences peuvent être vraiment graves pour elles… et restent souvent inaperçues ou complètement minimisées par les garçons ou les hommes qui en sont responsables. Lorsqu’une femme se sent extorquer une faveur sexuelle, elle risque de se sentir ensuite très mal et son manque d’estime de soi s’en trouver salement renforcé ; d’autant plus, et c’est généralement le cas, si elle a l’impression de n’avoir pas réagi comme elle « aurait du », de ne pas avoir (assez) manifesté son malaise, ses réticences ou son refus ; de ne pas avoir dit « non » clairement ; ou d’avoir par gentillesse laissé l’autre « aller trop loin », etc. Les personnes abusées prennent le plus souvent la responsabilité (la faute !) sur elles, se sentent à la fois honteuses et souillées… Les hommes, eux, sont rarement en danger dans une relation sexualisée avec une femme (mais symptomatiquement, ils ont généralement peur des relations avec d’autres hommes !) : ce sont eux qui mènent le bal, ils n’ont pas peur que la situation leur échappe ni de se voir imposer des actes nous souhaités. C’est parce que nous avons le pouvoir d’abuser que la responsabilité que ça se passe bien doit nous importer particulièrement : nous ne sommes pas rendus confus, hésitants, voire paralysés par la peur ou l’appréhension, ni par des injonctions contradictoires. Nous ne devons pas en profiter pour « prendre l’avantage », mais au contraire pour aiguiser notre attention et notre empathie…

    Le plus souvent, de fait, ce sont les garçons qui font les avances. Les filles ne se sentent pas toujours la marge de manœuvre suffisante pour agir ou réagir comme elles le voudraient ; la pression masculine les empêche souvent de définir et affirmer ce qu’elles souhaitent elles-mêmes. Comment faire plaisir à l’autre, ne pas aller à son encontre, ne pas le blesser ? Comment se permettre d’être flattée de l’attention qu’on reçoit (d’un garçon !) sans se sentir obligée de « donner quelque chose » en échange ? Comment ne pas paraître « cul-serré » sans paraître pour autant « marie-couche-toi-là » ? Comment « trouver le temps » de laisser se développer ce qu’on ressent ? Comment se préserver d’une grossesse face à des hommes qui ne se contraceptent pas ? L’appréhension, justifiée (les femmes savent fort bien qu’elles risquent de ne pas maîtriser la situation) n’aide pas à se sentir à l’aise et à faire valoir ce qu’on ressent.

    L’idée que « le sexe » serait un accomplissement n’aide pas non plus : accomplissement de soi, accomplissement de la relation. Amour passionnel, sexe pulsionnel, tout est censé s’enchaîner harmonieusement, naturellement. Parler pourrait « casser l’enchantement »… Pourtant, c’est une nécessité de s’assurer par tous les moyens la possibilité d’expression des désirs réels ou des réticences de l’autre…
    La parole elle-même, d’ailleurs, ne garantit pas qu’on n’abuse pas : un acquiescement verbal est plus sûr qu’un silence, certes, mais peut très bien être extorqué d’une façon ou d’une autre, à la faveur d’hésitations, de peurs, de désirs contradictoires, d’injonctions à faire plaisir, de blocage à dire non, etc.

    La situation peut parfois sembler inextricable…
    Or, il y a finalement une façon simple d’éviter tout abus, ou tout acte qui risquerait de conduire à un abus : s’assurer tout bonnement que l’autre soit (et reste) enthousiaste ! C’est une copine qui m’a soufflé la recette. C’est vraiment symptomatique que je n’en ai pas pris conscience tout seul : pourtant, la sexualité est censée être par excellence le lieu du désir partagé, du plaisir en commun, bref, de l’enthousiasme !
    Effectivement, si l’enthousiasme est absent, on peut présumer qu’il y a un problème qui peut aboutir à une situation très pénible pour l’autre. Un problème réel et qui nécessite de faire marche arrière.

    Quand ce sont des filles qui font des avances sexuelles ou amoureuses, on pourrait imaginer qu’alors au moins, il n’y a pas de problème de consentement. Mais chacun-e peut toujours changer d’avis en cours de route, voir qu’il ou elle s’est trompé-e sur ses désirs ou sur l’autre ; la situation peut aussi évoluer autrement qu’on le souhaitait, aller trop loin ou trop vite… C’est la moindre des choses que d’accepter de faire halte, voire de rebrousser chemin. On le ferait dans toute situation, il faut le faire dans celle-ci aussi. Il n’y a pas à faire des reproches ni des pressions. La liberté de l’autre est la condition d’une relation non destructrice. Si on garde cela à l’esprit, qui devrait être la moindre des choses, on peut alors accepter et accompagner ce changement de cap sans affirmer sa frustration, sans faire pression, en ami et en partenaire respectueux. Il n’est pas interdit de se questionner (voire de questionner sa partenaire) sur ce qui a occasionné ce changement de cap. Notre (éventuelle) frustration elle-même devrait nous faire réfléchir : qu’est-ce qui nous importe, « aller plus loin » et satisfaire un désir qu’on est désormais seul à éprouver, ou bien vivre ensemble une complicité, une aventure relationnelle (sexuelle ou pas) positive pour chacun-e ?

    La meilleure façon de ne pas se mettre en situation d’abuser, c’est finalement de ne pas se mettre dans l’optique d’obtenir « du sexe», mais bien de vivre un moment agréable partagé, quelque forme qu’il prenne finalement.

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    • chesterdenis dit :

      Merci pour ce complément du texte cité en dernier dans mon article (si j’ai bien compris votre écriture énergiquement économique !). Et pour votre contribution.

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      • AlinOnim dit :

        & à retrouvé a l’oral sur http://www.rdwa.fr/Feu-de-tout-Bois-177_a5583.html :
         »Hommes… nos abus sexuels… » (a partir de 47 min 26), suivi d’un prézantasion de se blog, & de la lèktur de « Parlons du corps masculin et de ceux qui l’habitent (« Le corps humain pour les nuls ») ».

        Mèm si le tèxt ke j’è partajé n’a pa la premièr fraz (Ce texte est un projet de tract…) & n’è pa référansé, il sanble biin ètr un vèrsion de  »Hommes… nos abus sexuels… », petètr sèl paru sur egalitariste.hommes.tk, & disparu.

        S’èt 1 bon tèxt pour lansé & alimanté la réflèxion & l’axion, kom tou se ke j’è lu ou parkouru sur se blog pour l’instan, mèrsi pour sèt som an évolusion, on an reparlera ankor a la radio…
        Apropo, oz intèrnot ki abit a Die, Drôme – France ou ki paserè par la : Il è posibl de rankontré l’ékip de Feu de tout Bois o studio de Radio Diois lé jedi dè 19:00, d’asisté ou de partisipé a l’émision. Ou de l’ékouté! (107.5 FM)

        Mèrsi anfin d’avoar souligné l’ékonomi d’énèrji, ki n’è pa la sel mè pa la moindre motivasion pour randre l’ékritur du fransè – & la lèktur, a voa ot o débu – pluz aksèsibl. 1n otre chantié k’il m’è pèrmi de vizibilizé isi, j’an sui agréableman touché.

        @lin

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