Les mâles humains sont les plus brutaux envers leurs femelles (parmi les espèces de singes) — (1ère partie)

Et on se demande bien pourquoi !

« Il n’y a pas de fatalité naturelle ou environnentale à la coercition des mâles. C’est la très grande leçon à tirer d’une approche évolutionniste et de la comparaison entre les lignées de singes et de grands singes ».

Faisons d’abord le constat.

Entre les différentes espèces de singes, et même chez les trois espèces dites hominoïdes (bonobos, chimpanzés et humains), il n’y a pas une tendance commune à la coercition sexuelle : ce n’est pas le cas partout. De même, on ne peut pas distinguer entre espèces matrilocales ou patrilocales (dans l’une, le mâle rejoint le groupe de sa compagne, dans l’autre, elle va dans le groupe du mâle — ce qui est le cas de l’espèce humaine), on trouve divers choix par rapport à la coercition sexuelle.

Globalement, à propos de la coercition sexuelle, les mâles humains, par comparaison avec six autres espèces de singes (1), se distinguent par leur plus grande brutalité dans 15 cas sur 17 :

  • Exercent couramment une coercition avant la copulation (trois espèces ne le font pas) ;
  • Exercent sur les femelles une surveillance individuelle et collective (seuls les chympanzés le font aussi) ;
  • Exercent couramment une coercition après la copulation (cinq ne le font pas, une rarement) ;
  • Exercent une séquestration, avec des formes douces à extrêmes (trois espèces n’y recourrent pas) ;
  • Exercent parfois une association forcée des femelles (seule une espèce, les hamadryas, le fait mais elle a une société entièrement basée sur le harem autour d’un mâle dominant) ;
  • Incitent leurs congénères à la coercition sexuelle (seuls les chympanzés le font aussi) ;
  • Pratiquent fréquemment l’intimidation des femelles (quatre espèces ne la pratiquent pas tant, ou pas du tout) ;
  • Pratiquent fréquemment la copulation forcée (seuls les gorilles le font aussi, d’autres rarement ou pas) ;
  • Pratiquent fréquement le viol (seuls les gorilles le font aussi, d’autres rarement ou pas) ;
  • Pratiquent fréquemment le viol par un étranger au groupe (seuls les gorilles le font couramment), le viol par un familier, le viol incestueux, le viol collectif, le viol punitif, le viol avec violence, le viol suivi de violence, le viol suivi de meurtre (quatre espèces n’ont pas ces pratiques, deux rarement) ;
  • Pratiquent rarement l’infanticide (ici les gorilles font pire) ;
  • Pratiquent fréquemment le meurtre (seuls les chympanzés y ont recours, et rarement) ;
  • Pratiquent fréquemment l’agression des jeunes femelles ;
  • Pratiquent modérément l’agression des femelles matures ;
  • Agressent les femelles tout au long du cycle (les autres espèces le font uniquement au moment de l’oestrus, autrement dit l’ovulation) ;
  • Pratiquent fréquemment la capture de femelles, et la mutilation sexuelle des femelles (seuls les chympanzés y ont recours, et c’est rare ou occasionnel).

Bien sûr, il s’agit d’une vision globale qui prend en compte l’ensemble des pratiques et des situations, y compris des cas de guerre, de prédation, d’envahissement de territoire. Bien des individus n’ont pas ces pratiques dans leur espèce, soit qu’ils sont réprimés par des mâles plus puissants, ou par des femelles, soit qu’ils s’abstiennent de telle ou telle pratique.

Ainsi la pratique du meurtre dans notre espèce n’est pas « courante » mais elle est remarquablement « fréquente » et non rare ou occasionnelle ou absente. Nous pouvons nous vanter d’avoir le beau précepte « Tu ne tueras point » que nous ne respectons pas assez, alors que les autres espèces le mettent en pratique sans le savoir !

***

Je tire ces informations d’un tableau contenu (pp. 155-157) dans le livre de Pascal Picq : « Et l’évolution créa la femme, Coercition et violence sexuelle chez l’Homme » (Ed. Odile Jacob, oct. 2020). L’objectif du livre est notamment d’aborder ces questions : « La coercition envers les femmes est-elle une fatalité évolutive ou une invention culturelle ? Comment s’est instaurée la domination masculine, qui semble être devenue la règle pour notre espèce ? » (page 4 de couverture).

Ce livre est passionnant. Mais il est assez touffu, parfois très pédagogique, parfois perdu dans un jargon de spécialiste, comme si l’auteur avait poursuivi deux lièvres à la fois. Il y a bien un lexique, mais il y a des items qui n’y sont pas. J’ai même achoppé sur des phrases irrationnelles : cela n’aide pas ! Mais je compte bien, une fois au bout de la lecture, aller plus loin sur ce compte-rendu et cette importante thématique. Ne fut-ce que pour compléter la citation en début d’article !

(1) Les sept espèces de singes reprises au tableau sont : les singes-araignées, les hamadryas, les orang-outangs, les gorilles, les bonobos, les chympanzés, les humains. Ce sont des espèces patrilocales et organisées autour de mâles apparentés. De nombreuses autres espèces vivant dans d’autres sociétés sont abordées dans le texte du livre.

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