Violences des hommes confinés : impliquons-nous !

Je vais créer un message FB (et vous pourriez le créer aussi) :

Avoir un bon copain : si tu te sens devenir violent, téléphone-lui, il t’écoutera !

On parle beaucoup d’augmentation des violences des hommes suite au confinement. On nous parle de task force (sic), de mesures policières (dans telle ville belge, la police va téléphoner à toutes les personnes ayant fait appel antérieurement, pour leur dire qu’elles ne sont pas seules) et de mesures associatives. On peut penser à des lignes téléphoniques d’urgence.

Mais ne faudrait-il pas téléphoner aux hommes avant tout ?

Et si on impliquait les hommes ? La violence des hommes, cela nous connait ! Nous nous maîtrisons avec fierté, nous réservons la violence aux cas légitimes (l’auto-défense, dirons-nous), mais nous pouvons comprendre nos amis qui ont des rages mal contrôlées. Tout homme peut avoir connu des frustrations, de la violence parentale ou sociale, des échecs qui lui paraissent « insurmontables » parce qu’il n’a pas eu les moyens de surmonter à un certain moment. Et nous pouvons les lui fournir. Nous sommes mauvais en écoute, mais si notre copain a besoin de nous, nous allons trouver les questions qui font échanger, nous allons faire appel à ses émotions que nous pouvons partager sans les rejeter. Alors soyons disponibles.

Et téléphonons à un ami chaque jour, même un vieil ami. Dont nous avons des nouvelles parce que nos compagnes se parlent de nous. Peut-être a-t-il besoin justement d’un bon copain.

Peut-être une initiative appelant des hommes bénévoles à être correspondants et écoutants serait utile ?

Ajout : En Belgique, il y a une ligne d’aide. Le numéro d’appel est le 0800/30.030. Une permanence est assurée par des spécialistes qui travaillent avec les victimes et avec les auteurs du lundi au vendredi de 9 h à 19 h. En dehors de ces horaires, la ligne d’écoute reste accessible 24 heures sur 24 mais renvoie vers un service d’écoute généraliste.

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Les hommes et leur justice (Weinstein, Polanski…)

Ainsi, après un intense mouvement de dénonciation par de nombreuses femmes, Harvey Weinstein, un homme bien ordinaire, a été condamné « par la justice ».

Quand nous employons cette formulation, nous faisons appel à une valeur importante de nos sociétés : l’idée de la gestion juste des violences entre les humains est gérée par une institution séparée, professionnelle et indépendante ; elle ne s’applique pas par une vengeance personnelle ou clanique (oeil pour oeil), ou par un lynchage collectif sans procédure de jugement, mais selon des règles qui sont applicables au sens de la loi, et au sens de la coutume de l’époque (les condamnations au sortir de la guerre ont été plus répressives, elles ont été revues et adoucies par la suite) et selon des procédures qui font respecter les droits de se défendre contre l’accusation publique.

Est-ce ici bien le cas ? Les hommes ont-ils  à subir les foudres de la justice, comme les autres ? On peut en douter.

Il faut avouer que le déroulement des procédures en justice étasunienne a de quoi dérouter. On apprend ainsi que Harvey Wenstein a seulement été poursuivi pour deux chefs d’accusation, mais que d’autres motifs plus graves ont été abandonnés, « faute d’unanimité du jury » ! Le jury l’a disculpé de trois des cinq chefs d’accusation, les plus sérieux, dont le « comportement de prédateur ». Il semble bien que les accusations doivent obtenir l’unanimité d’un jury et que tout doute, bien plus que de devoir « profiter à l’accusé » pour un acquittement au terme d’un procès (comme en Europe) sert ici à écarter toute poursuite plus approfondie et dédouane le suspect avant le début du procès. C’est ainsi que Harvey Wenstein n’a été poursuivi que pour deux faits, tandis que 80 plaignantes attendaient justice. Ce rendu de justice était nécessaire pour qu’elles puissent enfin tourner la page de ce qui s’est passé, faire sortir cet homme menaçant de ce placard non encore vidé, et mettre en place enfin le traumatisme vécu.

Pour la justice, les faits rassemblés et incontestables permettaient néanmoins de condamner lourdement cet homme et ainsi le but de la justice et de la société est atteint. Harvey Weinstein a été condamné à 23 ans de prison (il encourrait jusqu’à 25 ans). A 67 ans, c’est long. Enfin, cela se discute. En Europe, les peines sont toujours adaptées durant l’emprisonnement : la loi sur l’enfermement estime qu’il faut toujours donner au condamné l’espoir d’une réduction de peine, ce qui instaure un meilleur espoir de ‘bonne conduite’ en prison, de meilleur prise de conscience de sa responsabilité, et de meilleur espoir de réinsertion, tous objectifs socialement compréhensibles. Weinstein pourrait réclamer une sorte de réduction de peine : l’avocat de l’intéressé annonce la couleur quand il souligne qu’il a des arguments à faire valoir :

Depuis octobre 2017, leur client avait perdu sa femme, qui l’a quitté, son emploi, sa société (The Weinstein Company) et faisait encore face à des manifestations d’hostilité constantes. La défense avait mentionné aussi ses deux jeunes enfants, de 6 et 9 ans. « Il se pourrait que je ne revoie jamais mes enfants« , a dit mercredi Harvey Weinstein, qui s’exprimait pour la première fois depuis le début du procès. Durant son allocution, il s’est présenté en victime du mouvement #MeToo. « J’étais le premier exemple et maintenant, il y a des milliers d’hommes accusés« . « Je suis inquiet pour ce pays« , a-t-il expliqué.

La défense avait plaidé que toute autre peine que le minimum légal (5 ans, moins les réductions de peine !) équivaudrait à une condamnation à perpétuité, vu l’age du condamné ! La défense annonce déjà qu’elle va interjeter appel, mais cela ne suspend pas l’exécution de la peine qui vient d’être prononcée. Le condamné a obtenu un placement en hôpital, au vu de son état de santé : celui-ci parait s’être dégradé avec les poursuites. Alors qu’il était resté en très bonne santé (sexuelle !) jusque là.

Il faut ajouter, comme l’a dit la procureur, que :

elle attendait du juge une peine qui reflète « la gravité des crimes du condamné, son absence totale de remords (…) et la nécessité de le dissuader, lui et d’autres, de commettre de nouveaux crimes« . A l’audience, mercredi, elle a de nouveau rendu hommage aux victimes qui ont témoigné lors du procès. Sans elles, Harvey Weinstein « n’aurait jamais pu être stoppé« . Elle a souligné « l’absence d’empathie » et « l’égoïsme » du producteur indépendant.

Harvey Weinstein n’a jamais reconnu publiquement autre chose que des relations consenties avec les femmes qui l’accusent et, de fait, n’a exprimé aucun remord ni présenté d’excuses. Et il faut rappeler qu’il a tout fait pour échapper à la dénonciation. Il a fallu l’obstination de quelques journalistes, pour que l’affaire éclate, et l’implication de nombreuses femmes pour que le cas ne soit pas enterré :

L’affaire Weinstein a été déclenchée après la publication par le New York Times, en octobre 2017, de témoignages de femmes accusant Harvey Weinstein, alors patron du studio Miramax – l’un des plus grands producteurs de films de notre époque -, de harcèlement sexuel pendant près de trois décennies. Le journal révélait par ailleurs qu’il avait passé des accords avec au moins huit femmes pour acheter leur silence. Mais on sait aussi que des journaux avaient au départ renoncé à sortir cette affaire.

Cinq jours plus tard, le magazine The New Yorker citait plusieurs femmes, dont l’actrice italienne Asia Argento, accusant le producteur de viol ou d’agressions sexuelles. Ces articles ont conduit à de nombreux autres témoignages de femmes, parmi lesquelles de grandes stars hollywoodiennes telles que Gwyneth Paltrow, Angelina Jolie et Lupita Nyong’o. Celles-ci ont également accusé Harvey Weinstein de comportements indésirables et d’abus sexuels. Plusieurs femmes ont en outre révélé qu’elles n’obtenaient plus de rôle dans les films du producteur américain parce qu’elles refusaient des relations sexuelles avec lui.

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Je reviens sur ces faits (je me suis appuyé sur un article de la RTBF qu’on trouvera ici) parce qu’il faut selon moi aussi s’interroger sur les relations de Roman Polanski avec « la justice ». Dans ce cas, j’ai surtout consulté la page Wikipedia.

Roman Polanski a vu au départ, la plupart des charges contre lui être abandonnées. Il avait en 1977 largement abusé d’une fille de 13 ans qu’il avait droguée… Mais la mère de S. G. a souhaité que le procès ne soit pas public. Et l’acteur a fait la même demande (pour sa propre réputation). Cela a amené le juge à réduire largement les chefs d’accusation, afin que cette non-publicité soit légale. Et de ce fait, il a prononcé une peine de prison ridicule de 92 jours de prison, dont Polanski a exécuté la moitié. Fin du premier acte.

Par la suite, le juge a souhaité à nouveau juger le cas, sans doute au vu du tollé provoqué dans les mouvements féministes. Et le juge pouvait effectivement craindre pour sa réélection ! Car les juges sont élus aux USA.

Dans de nombreux épisodes suivants, le juge a été désavoué, la justice américaine a reconnu qu’elle avait été déloyale et que Polanski ne pouvait être rejugé ; elle a seulement maintenu l’obligation pour l’acteur de se présenter devant le juge pour refermer le dossier. Depuis, l’Etat des Etats-Unis a maintenu cette intention, ce qui a amené la Suisse, puis la Pologne à emprisonner l’acteur et à le maintenir en résidence surveillée avant de rejeter tous deux l’exigence étasunienne. La jeune fille, SG, mariée depuis, a aussi souhaité que cette affaire soit enterrée; car la procédure et l’acharnement médiatique ont pourri sa vie, bien plus que les faits qu’elle a eu à subir, pour lesquels elle souhaitait une condamnation, mais ensuite un oubli.

Dans cette affaire, Polanski a aussi échappé à une procédure judiciaire normale (c’est son droit) et il a dédommagé financièrement la jeune femme. Mais il s’est abrité derrière cette justice amoindrie jusqu’au ridicule pour se protéger d’une telle procédure normale. Il s’est ainsi satisfait d’une culpabilité qui ne correspondait pas aux faits, et il n’a plus voulu rien publiquement reconnaître : il se présente alors lui aussi comme victime d’un acharnement judiciaire et médiatique (comme sa victime, fille mineure). Et le fait qu’il ait choisi de réaliser un film sur une « erreur judiciaire » telle que l’affaire Dreyfus, sous le titre « J’accuse » va dans ce sens de la construction d’une autre vérité que la vérité des faits, qu’il avait bien dû reconnaître au départ.

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Deux cas, et deux affaires où les accusés ont pu échapper à une complète Accusation et de ce fait à une plus lourde condamnation. Dans les procès qui sont tenus en Europe, on entend aussi de nombreuses raisons pour « comprendre » l’accusé, pour s’émouvoir du traumatisme que la procédure judiciaire lui crée… Comme si les hommes avaient accès à une justice particulière, la justice des hommes, avec une solidarité masculine et des privilèges octroyés aux hommes , d’autant plus s’ils sont puissants. Il ne faut pas perdre cela de vue, même si on doit se réjouir que le premier homme dénoncé par le mouvement #Me Too n’ait pas échappé à une condamnation judiciaire significative.

 

 

 

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Violences sexuelles masculines : Amnesty encore dans le flou coutumier

Remarque : depuis l’écriture de ce texte hier soir, sur base des infos de presse, j’ai pris le temps de consulter l’étude (lien sur le site d’Amnesty Belgique). Elle est pénible à lire (tableaux et slides touffus) mais mériterait un commentaire approfondi. Certaines données paraissent utiles. De plus, il y a une enquête d’opinion très large, avant un sondage sur l’évocation des faits de violence. C’est l’enquête d’opinion qui intéressait les groupes demandeurs de l’étude. Je n’ai pas le temps pour un travail approfondi de lecture critique. Je vais seulement annuler ou compléter certaines formulations d’hier.

Les journaux belges font état ce 5 mars 2020 d’une enquête demandée par l’association SOS Viol (mandatée par les autorités belges pour l’accueil de plaignantes & plaignants et pour le suivi d’une ligne téléphonique de premier conseil) et par Amnesty International, section belge. , dans le cadre de sa campagne « droits des femmes ». Elle a été confiée à un organisme professionnel de sondages d’opinions et d’études de marché, l’Institut Dedicated.

En principe, le thème portait sur « l’exposition aux violences sexuelles », dont le viol (« rapport sexuel imposé à une personne non consentante ») et la « relation sexuelle forcée par le/la partenaire ». Mais aussi les préjugés sur le viol (analyse d’opinion). Et pour porter l’attention sur les jeunes, l’échantillon avait été surévalué pour cette catégorie (15-24 ans).

Bravo ? Non, les biais sont innombrables. On peut se demander si le but n’était pas uniquement de « faire le buzz » à l’occasion du 8 mars.

D’abord, la notion de « exposition à » pouvait concerner les auteurs autant que les victimes ! Comme le précise le journal Le Soir (les autres négligent ce détail) :

La question posée par le formulaire était : « Personnellement, êtes-vous ou avez-vous été exposé.e à ce type de violence sexuelle ? » Le Soir a décidé de ne pas utiliser le terme victime, mais de conserver la formulation initiale, à savoir exposé. Il est en effet plausible que des personnes sondées aient répondu (…) en tant qu’auteur ou en tant que témoin.

Remarque : cette question est posée après de nombreuses questions sur vos opinions. Ensuite, le « personnellement exposé » peut se comprendre comme « avoir subi », et l’auteur d’étude parle de « victimes ». Mais l’ambiguité signalée par Le Soir reste indéniable.

Cela parait une source réelle de confusion, quand on voit que les femmes ont déclaré avoir été exposée pour 20% d’entre elles, et les hommes pour 14% au viol ; et respectivement à 23 % et 14 % à la « relation forcée par le/la partenaire ». Ces chiffres sont étonnants et flous, surtout avec ce nombre important d’hommes « exposés ».

Ensuite, les chiffres concernant les jeunes sont bizarres. Le sondage a interrogé 2300 personnes, mais il a interrogé parmi eux 300 jeunes pour le sondage d’opinion (soit 13% de l’échantillon, alors que cette catégorie ne fait que 10 % des adultes,  selon moi mais 14% selon l’auteur). Cela parait « mieux » mais c’est en réalité totalement insuffisant.  il faut toujours au moins 360 répondants pour avoir un groupe suffisant, avec une marge d’erreur de moins de 5%. Ici la marge d’erreur est… incalculable, entre 5 et 20 % (je ne suis pas spécialiste, mais c’est l’idée retenue de ce que j’ai appris jadis…).

Que disent les chiffres ? Les jeunes ont déclaré avoir été exposés au viol pour 24% d’entre eux, à la relation forcée pour 23 % d’entre eux. Et quelle répartition entre filles et garçons ? Bonne question, mais réponse impossible : l’échantillon est bien trop petit pour être divisé !

Au total, voilà une enquête qui ne connait pas le nombre de victimes et encore moins le nombre d’auteurs ! Et, comme d’habitude, rien n’est dit sur les auteurs des viols subis par les hommes : les auteurs sont des hommes le plus souvent !

Enquête imprécise encore sur les cas de violences sexuelles, car rien n’est dit (publié, en tous cas) sur les chiffres de harcèlement, par exemple (la question de la demande insistante et celle du consentement imprécis sont pourtant recherchées parmi les opinions des jeunes). Et enquête mal conçue : on ne comprend pas bien cette séparation entre viol et relation forcée ! Alors qu’une remarque générale bien connue que la grande majorité des viols sont commis par des proches de la victime…

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J’ai discuté précédemment de la difficulté à chiffrer le nombre d’auteurs de violences sexuelles masculines, et la pratique coutumière de négliger cette question. J’en avais parlé ici. C’est un commentaire d’une enquête australienne qui porte sur un échantillon exceptionnel de jeunes étudiants universitaires. Avec des chiffres détaillés sur diverses violences sexuelles masculines. Harcèlement, agressions en groupes, etc. Et pourtant des chiffres pas toujours clairs sur les auteurs. Et surtout, une dissimulation de la responsabilité masculine dans les messages mis en avant par les responsables de l’étude.

C’est que qui motive mes critiques envers l’étude d’Amnesty en Belgique : une étude avec des questions confuses, un échantillon insuffisant et des objectifs limités (promouvoir l’éducation affective et sexuelle à l’école), et se terminant par des messages discutables,  ce n’est pas sérieux, ce n’est pas une avancée. SOS Viol parait vouloir s’appuier sur cette enquête pour justifier une extension de l’aide publique. Mais les chiffres de son activité croissante envers les femmes plaignantes étaient évidents pour cette justification : les pauvres conclusions du présent sondage ne l’aideront pas beaucoup !

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Les César : pourquoi une procédure très opaque ?

Ainsi donc un artiste et un homme condamné jadis pour viol, et en fuite d’un appel à être rejugé pour ces faits, et accusé d’autres faits, a reçu un prix prestigieux de « meilleur réalisateur » par  l’Académie des César ce 28 février 2020.

On glose beaucoup sur la distinction de l’artiste et de l’homme, ou encore de l’oeuvre et de l’homme. Je dirai seulement ceci brièvement : c’est l’homme qui est seul responsable d’avoir sali son oeuvre par sa conduite indigne. Toute suspicion ou toute condamnation envers lui entache également son oeuvre. C’est tout autant le cas pour un traître à la patrie, un meurtrier, un violeur ou autre (par exemple un homme politique fraudeur). Il est le principal responsable de ce qui lui arrive. L’oeuvre ne justifie pas qu’on mette en doute la décision de la justice ou les constatations de l’enquête. Et il est sans doute socialement légitime que l’oeuvre ainsi salie connaisse un certain purgatoire, et que l’artiste connaisse un rejet social. Nul être humain n’est parfait, mais la société est en droit de dénigrer une activité artistique (ou une carrière politique) qui reste entachée par la salissure, (indépendamment de la sanction pénale visant l’homme, et de la fin de la peine).

Je me suis demandé qui avait décidé de cette nomination. Je viens de parcourir le règlement disponible sur le site de l’Académie des César. Et le moins qu’on puisse dire est que cette décision est dans une procédure plutôt opaque.

De nombreuses personnes ayant partie liée avec le cinéma français (au sens large), réalisateurs, comédiens, techniciens, producteurs, distributeurs de fils français et personnes invitées par le bureau de l’académie peuvent en être membres. Actuellement, il y a plus de 4000 membres. Mais la liste des membres est tenue secrète ! C’est ainsi, nous dit-on, afin de ne pas permettre aux candidats d’influer sur les votants… Donc il est impossible de savoir par exemple le nombre d’hommes et de femmes parmi les membres.

Ensuite un vote est organisé. On ne connait pas le nombre de votants pour chaque prix. C’est un vote à deux tours : on vote d’abord pour désigner 5 ou 7 « nominations », parmi les candidatures de plus de 600 films ! Peu de membres pourront dire qu’ils ont vu la totalité des films. Et qu’ils auront un avis sur 600 décors, 600 séries de costumes ou coiffures ou maquillages du film… Ensuite un deuxième vote des membres est fait sur les nominés pour désigner le lauréat.

La critique et le succès des films auront une influence certaine sur le vote. C’en est au point que le « César du public » est en fait un vote des membres de l’Académie sur les cinq meilleurs succès du box office des films français. Et pas du tout le vote d’un public. De même le « Prix des lycéens » est en fait le vote d’un seul Lycée désigné par le Ministère (et non connu).

Il est donc pas non plus possible de juger la répartition d’hommes et de femmes dans les divers votes.

L’Académie est dirigé par un bureau, lequel a énormément de pouvoir. Et un pouvoir qui peut paraître obscur. Ainsi il peut donner des indications pour orienter le premier vote afin d’éviter une trop grande dispersion, dans certaines catégories. Dans certains cas, c’est un comité (aussi  à la composition secrète) qui opère des pré-sélections ou pré-indications. En cas de litige, en cas de double prix (meilleur film et meilleur premier film, meilleur premier rôle et meilleur second rôle, par exemple), c’est le bureau qui tranche. Le bureau peut également faire évoluer le règlement à tout moment. (Je crois d’ailleurs que ce bureau a démissionné, mais nous n’en savons pas plus).

Une telle procédure, totalement non transparente, est plus qu’étonnante. Dans la plupart des concours, c’est un jury, nommé et présenté à l’avance, qui établit le palmarès. Souvent, des critères sont explicités. Dans certains cas, le juré doit donner des notes objectives sur chaque concurrent, et c’est un secrétariat qui soumet au jury la conclusion du vote (Concours international Reine Elizabeth par exemple). Parfois le vote est public (concours de patinage artistique).

Non, ici c’est une forme de plébiscite. Et dans ce cas, c’est la subjectivité, les rumeurs, les influences qui sont prégnantes. Le fait que les résultats détaillés soient secrets entraîne la suspicion.

C’est ici qu’intervient la polémique de cette année. Le milieu des professionnels concernés par le cinéma a dû se partager sur cette polémique. Et sa décision a été politique autant qu’artistique. Le caractère polémique de la décision de ces membres de l’Académie se montre déjà dans les nominations : 12 pour le film litigieux. C’était une volonté de s’assurer qu’il soit primé.

On peut donc la prendre comme une volonté anti-féministe, refusant de se plier comme « milieu » spécifique au sentiment de la société. Et notamment aux critiques portant sur le sexisme de ce milieu ! Pas seulement les violences sexuelles (après le mouvement #Me Too, mais déjà les barrières apparaissant pour que les femmes puissent faire carrière dans le cinéma, que leurs films soient visibles, etc.

Le quasi-rejet d’un autre film, féministe celui-là, où Adèle Haenel tient le rôle principal, sauf un prix secondaire, va dans le même sens d’une décision polémique.

De là à penser que ce sont surtout des hommes qui dirigent la manœuvre et les votes dans la boîte noire de l’Académie des César, il n’y a qu’un pas. Il faudra qu’on nous prouve le contraire.

Post scriptum : J’ai déjà trouvé une bonne part des réponses à mes questions dans Wikipedia qu’on peut lire ici (j’ai supprimé les notes contenues dans cette citation) :

Le 13 février 2020, l’Académie des César annonce la démission collective de son conseil d’administration et promet le « renouvellement complet » de ce dernier et de son organisation suite à une fronde massive de la part du milieu cinématographique français. En cause — suite à une tribune parue le 10 février dans Le Monde et dans laquelle 400 personnalités du cinéma réclament une réforme en profondeur de l’Académie des César — des « dysfonctionnements », une « opacité des comptes » qui ne sont plus publiés, des statuts qui « n’ont pas évolué depuis très longtemps » et qui reposent toujours sur la « cooptation », le manque de parité (l’Académie ne comporte que 35 % de femmes), le vieillissement de ses membres (la moitié d’entre eux est composée de septuagénaires ou plus) et la gestion autocratique de son président depuis 2003, Alain Terzian. « Une poignée d’hommes pose problème dans le cinéma français en se cooptant mutuellement depuis 30 ans à la tête de toutes les commissions, toutes les organisations. Outre d’être illégitimes, ils empêchent le renouvellement. » (Vincent Maraval, producteur).

On peut donc même incriminer une forme de solidarité masculine aggravée, de vieux hommes septuagénaires et plus, majoritaires, avec un vieillard prédateur de 86 ans aujourd’hui…

 

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La justice masculine a encore frappé

Une épouse a assassiné son mari de 37 coups de couteau, en septembre 2017. Après deux jours de procès d’assises, elle a été condamnée à 13 ans de réclusion criminelle. Voilà qui est sans doute expéditif !

Selon Le Monde de ce 10 février, l’avocat général a voulu prémunir la cour (sic, c’est le jury) du « syndrome Jacqueline Sauvage » : « ce n’est pas la victime que l’on veut bien dire. Elle n’a jamais été frappée, elle a frappé son mari pour priver sa rivale du couple idéal ». 

En s’exprimant ainsi, le procureur a pris une position confortable : on peut aller vite tout en restant objectif, sans céder à la victimisation. C’est doublement injuste.

Faut-il rappeler que Jacqueline Sauvage avait été sévèrement condamnée par deux fois ? Que le procureur n’avait retenu aucune circonstance atténuante pour cette épouse battue et bafouée durant 48 ans ? Qu’il avait prévenu d’emblée : ce n’est pas le lieu de faire le procès du mari (violent envers tous, et père incestueux envers ses deux filles), il n’est plus vivant. Technique récurrente et facile d’un procureur pour tronquer le débat en définissant ce qu’il ne faut pas discuter, selon lui.

L’article souligne que, parmi les « homicides conjugaux » (sic : mariés ? pacsés ? en couple ? avant séparation, longtemps après ? Etc.) il y a 20 % d’auteurs féminins, selon une étude nationale de la Délégation aux victimes du Ministère de l’Intérieur. Parmi celles-ci, 48,4% ont subi des violences : l’accusée n’en fait donc pas partie. CQFD.

Il faudrait sans doute souligner à ce moment que 80 % des auteurs d’homicides « conjugaux » sont des hommes — et que chez eux, c’est sans doute bien plus que 50% qui ne sont pas victimes de violences. Et pourtant, ne trouve-t-on pas complaisamment étalées des motifs de compassion pour ces auteurs de « drame passionnel » ? La fatigue, l’alcool, les difficultés au travail, sinon même que le fait d’être quitté vous fait perdre tous vos repères sociaux.

Rien de cela ici : selon le procureur, l’accusée a agit « pour priver sa rivale ». C’est un « meurtre par intérêt ». Un meurtre calculé, donc : le pire. Aucun motif de compassion.

Ce n’est pas ce que disent les experts : comme le mari (qui avait prévenu par téléphone qu’il ne rentre pas ce soir et qu’il veut divorcer) venait récupérer « le livret de famille » (geste hautement symbolique de pouvoir), l’épouse « a été saisie d’une furie inconsciente« , « elle était dans l’incapacité de survivre par ses propres moyens, la séparation l’a précipitée dans un état de mort psychique« . On va comprendre pourquoi.

Et c’est là que surgit la domination masculine, que le procureur n’a pas voulu considérer ni débattre, prolongeant la violence vécue. L’article explique :

« Délaissée par sa mère, elle a été violée durant plusieurs années par son père adoptif et son oncle, dans la crasse et le froid, ce que confirme sa sœur au procès, elle aussi victime des abus répétés des deux adultes alcooliques ».

Précisons encore ici : deux adultes masculins.

Voilà donc une femme qui n’a subi de son mari que quelques injures, puis un abandon : circulez, il n’y a rien à voir. Elle avait été dans son enfance détruite par les hommes. Tant pis, elle est dans la mauvaise portion des statistiques; celle des épouses « n’ayant pas subi de violences ». Et c’est ce que le procureur a établi d’emblée en tronquant le procès. C’est ce que j’appelle une justice masculine qui frappe : celle qui ne veut rien entendre.

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Cet article de « fait divers » voisine par hasard avec un autre article sur le travail de la Commission d’écoute des victimes d’abus sexuels dans l’Eglise. Malgré un travail de rencontre active des victimes, et d’appel à prendre la parole, le traumatisme est difficilement exprimable et montre que le savoir des victimes ne peut être présumé :

« Je ne mesurais pas combien les victimes et ce qu’elles nous disent nous apporteraient. En fait nous apprenons tout des victimes, Nous apprenons des sentiments de honte, des expériences d’emprise qui n’ont rien à voir avec ce que nous pouvions imaginer », dit une commissaire, juriste de formation.

Je ne discute pas ici des faits constitutifs du procès et je ne porte pas de jugement. Je souligne seulement des élément de contexte qui transparaissent et qui racontent autre chose. Et je trouve que treize années d’enfermement ne vont pas aider à soigner ce traumatisme d’enfance imputable à deux adultes alcooliques, deux hommes. Ce n’est pas une répression sociale satisfaisante.

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« Le masculin, cet inconnu »

J’emprunte ici un sous-titre de l’article La violence de type masculin (« Male-Pattern Violence »), par Jennie Ruby, dans la revue Off Our Backs, sept-oct. 2004, dont la traduction a été proposée par la Collective de traduction TRADFEM ici.

Dans cet article, Jenny Ruby montre que la violence masculine est l’objet d’un déni de la part des hommes, et que le sujet est donc difficile à aborder avec eux. Mais est-ce une raison pour ne pas le regarder en face, et l’interroger ?

En voici quelques extraits :

Pourquoi les hommes et les femmes évitent-ils d’admettre l’existence de la violence de type masculin et de l’analyser ? Se pourrait-il que nous ne voulions pas réellement mettre fin à cette violence ? Avons-nous peur, en tant que société, que si nos hommes se détournent de la violence, nous devenions vulnérables à la violence d’autres hommes, d’autres cultures ? Les femmes trouvent-elles les hommes violents attirants ? Les hommes ont-ils peur que si on leur demande de mettre fin à leur violence, ils deviennent vulnérables à la violence d’autres hommes ? Ont-ils peur que sans la violence, ils perdent leur domination sur les femmes ? Ont-ils même peur que sans recours à la violence, les hommes perdent une partie de leur identité ?Il se peut que nous devions tous examiner nos craintes afin de mettre au jour la résistance à une cessation de la violence. Et il se peut que nous devions examiner les façons dont notre économie, notre pays et notre mode de vie sont soutenus par la violence avant de pouvoir démanteler tous les mécanismes qui perpétuent la violence dans nos vies, que ce soit la glorification de la violence par les médias, notre industrie des jeux vidéo violents, notre amour des sports violents, ou la violence institutionnalisée de nos forces armées.Cette réticence à parler de la violence des hommes est très répandue et semble presque l’équivalent d’un tabou. Les médias nous disent des choses comme « une femme a été violée », mais ne disent jamais « un homme a violé une femme ». Les analyses de la violence à l’école parlent d’« enfants qui tuent des enfants », en gardant sous silence le fait que ce sont presque exclusivement des garçons qui commettent cette violence. Des termes comme « violence domestique » ou même « conjugale » occultent la réalité que la plupart de ces violences sont commises par des hommes.  (…)

L’une des raisons est que nous avons peur d’insulter, d’aliéner ou de mettre en colère nos parents et amis de sexe masculin — et le fait est que les hommes affichent souvent de l’irritation lorsque l’on parle de violence masculine. Les hommes sont notoirement réticents à accepter leur responsabilité ou à s’excuser de leurs gestes au plan individuel. Lorsqu’il s’agit d’assumer des responsabilités au niveau de la société, nous heurtons de front cet ego masculin réputé si fragile. Bien sûr, tous les hommes ne sont pas comme ça. Mais l’homme qui refuse systématiquement de reconnaître ses torts est un thème culturel omniprésent dont nous sommes toutes conscientes. Et il est assez souvent vrai, au niveau de notre vécu, que les femmes et les hommes savent qu’il faut éviter de déclencher cette posture défensive masculine. Lorsqu’il se sent accusé, un homme peut s’emporter en soulevant des contre-accusations, en brouillant les enjeux, en niant ses torts, en devenant sombre et renfermé, ou même, oserai-je le dire, en devenant violent.

Une autre raison pour laquelle les hommes résistent à l’idée de nommer la violence masculine est que les hommes ont tendance à considérer l’homme comme l’être humain générique. Cela signifie qu’ils n’arrivent pas à identifier comme tels les schémas masculins — ils les voient simplement comme des schémas humains. Les chercheurs et les théoriciens masculins discourent donc souvent sur l’agression « humaine », les guerres « de l’humanité », etc. Mais pouvons-nous mettre fin à la violence « humaine » sans reconnaître et examiner le fait qu’elle est presque toujours commise par des hommes ? Je ne le pense pas.  Nous devons cesser de débattre de la question de savoir si les hommes sont plus violents ou de chicaner sur le fait que les femmes pourraient être aussi violentes que les hommes si elles en avaient la possibilité, et faire un inventaire précis des éléments de preuve à cet égard. Par exemple, des statistiques assemblées par la Commission économique pour l’Europe des Nations unies montrent qu’aux États-Unis et en Europe, 85 à 100 % des personnes condamnées pour agression sont des hommes. Et 90 % des meurtres sont commis par des hommes. Les hommes sont de loin les principaux auteurs de viols, de guerres, de torture, d’inceste, d’agressions sexuelles, de meurtres sexualisés et de génocides. Nous devons enquêter sur ce qui, chez les hommes et dans la masculinité, favorise et nourrit un aussi large éventail de comportements violents. (…)

Certains font déjà ce travail. Le film Tough Guise, produit par Jackson Katz, montre qu’en arrivant à dépasser notre déni de ce schéma masculin, nous pouvons explorer les aspects de la masculinité — définis dans les familles, à l’école et dans la culture populaire — qui encouragent et excusent la violence de type masculin. Le livre Men’s Work, de Paul Kivel, et l’ouvrage Refuser d’être un Homme, de John Stoltenberg, examinent également le lien social entre la masculinité et la violence.

Je renvoie à l’article sur Tradfem pour retrouver les conseils et suggestions de l’auteure pour aborder le sujet, notamment sa suggestion de faire usage de l’expression « les violences de type masculin » plutôt que « les violences masculines »afin que les hommes ne se rebellent pas contre une généralisation qui les englobe tous.

 

Et je signale sur ce sujet une conférence de Jacson Katz en 2013, avec sous-titres en français (en 27 langues !) ici. (Je m’aperçois que j’avais déjà évoqué cette vidéo en septembre 2016… mais un rappel n’est pas inutile).

***

De nombreux questionnements que j’ai abordés sur ce blog sont énoncés dans cet article. Mais ses questions restent le plus souvent sans réponse. Il y a encore du boulot !

J’en profite pour redire que l’apparition d’une telle violence masculine dans l’humanité est un sujet d’étonnement, laquelle est liée sans doute à l’apparition de la domination masculine. C’est un événement dans l’histoire de l’évolution, même si nous avons du mal à le situer historiquement. Bien des groupes de singes (babouins, bonobos…) ne connaissent pas cette violence, ni cette domination masculine. Même si un Mâle Alpha domine, sa violence est mesurée et les femelles disposent de certains pouvoirs et d’un rôle social important. Et entre groupes d’une même espèce, il y a coexistence sur des territoires voisins. Ce n’est donc pas dans la nature de l’humain mâle, mais une invention de sa part, de leur part.

Faut-il incriminer la tribu des Sapiens ? Les tribus précédentes d’Homo disparaissent rapidement avec l’arrivée de ces nouveaux-venus  hors d’Afrique (même si il y a eu des interactions entre ces tribus). Faut-il faire l’hypothèse d’une surpopulation sur les territoires de chasse et de pêche, amenant à inventer la guerre ? Et peut-être en même temps que l’agriculture et l’élevage ? Comprendre une organisation sociale sur le simple examen d’ossements fossilisés n’est pas aisé.

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Bon petit papa noël, es-tu patriarcal ?

Suite à un intéressant travail sur « la charge mentale de noël » fait par Egalitaria, qu’on pourra consulter ici, et au fait que j’ai dû un peu y réfléchir pour le commenter (sur un thème que je n’aborde pas ici, allez le voir en bas de son article), je me suis soudain penché sur la figure du Père Noël. Tilt ! En tant que figure paternelle, et figure de patriarche, quelles significations sont attachées à ce personnage ?

Faisant une brève recherche sur « Père Noël et sexisme », je suis tombé sur de nombreux débats, remontant à 2001, 2007, 2010, 2015, 2018, etc. Mais revenant toujours peu ou prou sur le thème des « jouets genrés », du rose et du bleu, des pages publicitaires et des vitrines de commerces, etc. En bref : pourquoi du sexisme dans le don à l’enfant de jouets comme cadeaux « tombés du ciel ». Et aussi : faut-il culpabiliser les parents ? (remarquez le pluriel !) Réponse, non, les parents offrent ce que l’enfant attend… Voici cinq conseils pour des parents intelligents…  Etc., etc. Tout est pour le mieux, rassurez-vous et passez votre chemin.

Parlons donc ici du personnage. Remarquez que pour la Belgique et quelques régions du nord de la France ‘(et de l’Europe), on parle aussi de Saint-Nicolas ; j’y reviendrai.

  • Le Père Noël est un homme, d’abord.
  • C’est en plus un père, un vieux, un grand père.
  • C’est ensuite un homme avec des pouvoirs magiques : il vole dans le ciel, il passe au-dessus des maisons, il s’y introduit et en ressort sans faire peur à personne.
  • Et puis c’est un homme bon, un homme qui donne des cadeaux, des récompenses.
  • C’est enfin un seigneur, qui roule en carrosse attelé de plusieurs animaux dressés.

En voilà un drôle de personnage, avec autant d’attributs ! Et ce bonhomme, on l’aime, on s’attendrit sur lui, on raconte ses histoires. « Surtout ne prends pas froid », comme chantait Tino Rossi, mais aussi Léo Ferré à propos des vieux en couple.

Donc bravo à l’homme, bravo au patriarche, bravo à son pouvoir absolu, magique, bravo à son autorité pour juger et récompenser celles&ceux qui sont soumises&is et sages, bravo à sa puissance et sa richesse, bravo à sa bonté qui ne lui coûte rien.

Quand certains utilisent la technique du « tapis de bombes » (de décisions répressives), lui utilise la technique du « tapis de cadeaux » !

Dans les traditions nordiques, le Père Noël est un homme caché dans la forêt, entouré de nains et d’animaux, dans un monde magique, hors du temps (il n’y entre que durant un mois d’hiver). Ce n’est donc pas un sauvage, mais un habitant positif et béni de la Nature paradisiaque. Dans la tradition de Saint-Nicolas, le personnage est un religieux de niveau supérieur (évêque), qui a fait des tours miraculeux comme de reconstruire des enfants tués et découpés dans un saloir (mis en conserve pour l’alimentation !). A l’époque de la colonisation et la découverte des humains noirs, il s’est adjoint le « Père Fouettard », un aidant punitif, un sauvage (noir à la présence mystérieuse) qui réprime les enfants, et explique le pouvoir autoritaire du saint homme. Il n’a pas de lien avec la Nature, il préfigure le Jugement dernier, dans sa grande bonté.

Quelle signification se cache derrière cela ? C’est évidemment une magnification de l’homme et de son rôle de père aimant, malgré sa sévérité, et source de toute chose pour le cercle de famille. C’est aussi une célébration du pouvoir et de la richesse. C’est donc un enchantement du Patriarcat, au sens fondamental de pouvoir du patriarche, du père ancestral. C’est un mythe qui transforme et enchante la réalité prosaïque des femmes et des hommes. Et des enfants. On peut supposer que l’église catholique a produit des récits mythologiques pour recycler un personnage déjà célébré et ainsi recouvrir de cette construction des histoires présentes dans des peuplades « barbares » anciennes. Mais aussi pour construire et ancrer le personnage du père marié et à la fonction parentale apaisée (L’église lutte pour imposer le mariage aux hommes vers 1000-1100, avec l’aide des femmes, car eux se font tirer l’oreille).

Soulignons que dans cette tradition, la femme est absente entièrement. C’est une magie masculine. (Même si c’est les mères qui choisissent les cadeaux…).

* * *

Dans mon commentaire à l’article d’Egalitaria, je parlais de la fête de Noël comme fête traditionnelle, avec son menu traditionnel, son sapin traditionnel, ses cadeaux, confettis et cotillons et autres traditions. Bref comme rituel imposé par la collectivité. La société impose à mère et père une pression sociale pour faire et réussir la fête familiale, l’essentiel du travail reposant sur la femme. Le père va choisir et chambrer le vin, acheter le sapin (tradition du lien à la forêt !) et… tilt ! revêtir un costume de Père Noël qui apparait furtivement aux yeux des enfants. C’est pour lui l’essentiel, la femme s’occupe de tout le reste.

Les enfants sont en quelque sorte pris en otages dans cette célébration du patriarcat : ils doivent croire à un mensonge, magique, explicatif, structurant, qui abuse tout le monde. Et tout le monde doit être heureux car les enfants sont heureux avec une abondance de cadeaux. Vraiment ? Ne rêvons pas, l’hiver donnait un peu de temps au pauvre bucheron pour assembler ou sculpter un morceau de bois en jouet unique. Mais ce don, il a fallu l’enrober de magie. Aujourd’hui, nous souffrons d’une tradition pourrie, récupérée.

Et cette manipulation est prégnante. Il ne suffit pas de la refuser, refuser sa célébration et son rituel, le mythe magique persistera en creux, en souvenir.

Il faudrait la remplacer par un autre rituel festif hivernal, sans mise en avant du père, sans adjonction de cadeaux abondants, sans mensonge de pouvoir magique et désillusion postposée (la désillusion est une technique de manipulation pour renforcer l’histoire dans le rêve, comme enchantement perdu et accepté volontairement, mais à retrouver, à rejoindre). Qui souligne des relations humaines, par un don et contre-don personnel (conçu, fabriqué, choisi) entre égaux. Et aussi en partageant la charge mentale et les devoirs ménagers !

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Certains hommes se gonflent le cou, mais pas que cela…

Sans commentaires (photo AFP).

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Les violences masculines dans le couple au quotidien…

Commençons par ce texte de Caroline de Haas, « Arrêtez. Maintenant. », qu’on trouve sur Mediapart ici, et qui a été lu à la fin de la marche #Nous Toutes :

A tous les hommes qui ont déjà dévalorisé, humilié, insulté, harcelé, tapé, violé : arrêtez.

En France, au moins 1,2 millions de femmes sont insultées chaque année en raison de leur sexe.
En France, chaque jour, au moins 250 femmes sont victimes de viol.
En France, depuis le début de l’année, au moins 137 femmes sont mortes de féminicides.


Et si on inversait la perspective ?
En France, au moins 1 million d’hommes insultent chaque année.
En France, chaque jour, au moins 250 hommes violent.
En France, depuis le début de l’année, au moins 137 hommes ont tué leur compagne ou leur ex.

Les violences sexistes et sexuelles que nous subissons ont un nom : elles s’appellent des violences masculines.

Ces violences ne sont pas le fait de monstres irréels qui sortent de leur repaire toutes les nuits pour nous violenter. Si les victimes de violences sont nos mères, nos filles, nos soeurs, nos amies, les hommes qui violent, blessent, harcèlent peuvent être nos pères, nos conjoints, nos fils, nos frères et nos amis. Adèle Haenel le disait : “Il n’y a pas de monstres”. Il n’y a pas de monstres. Il y a une société. Il y a nous, il y a vous. 

C’est dans cette société que nous vivons. Aux côtés d’hommes qui tiennent des propos sexistes. Aux côtés d’hommes qui nous tapent.  Aux côtés d’hommes qui nous violent. C’est dans cette société que nous vivons. Et c’est cette société que nous voulons changer.  

A tous les hommes qui ont déjà dévalorisé, humilié, insulté, harcelé, tapé, violé : arrêtez.

Arrêtez les remarques sexistes qui nous placent systématiquement en situation d’infériorité.
Arrêtez les propos à connotation sexuelle que nous n’avons pas sollicités
Arrêtez de nous envoyer des photos de votre pénis.
Arrêtez de nous siffler dans la rue ou de nous toucher dans le métro.
Arrêtez de nous taper.
Arrêter de nous rabaisser.
Arrêtez de faire comme si, lorsque vous aviez un rapport sexuel avec une femme qui n’en n’a pas envie, vous n’étiez pas au courant.

Arrêtez.

Certes, le changement peut paraître radical. Depuis des millénaires les femmes sont victimes de violences sexuelles massives en raison de leur sexe. Et là, en à peine quelques dizaines d’années, on vous demande de changer radicalement de comportement. Nous voulons vous dire : vous pouvez le faire. Vous devez le faire.

Les violences ne sont pas une fatalité. Vous pouvez arrêter. Alors arrêtez, maintenant. 

J’aime ce texte du fait de cette expression : « inversons la perspective ». C’est souvent la bonne manière d’interpeller les hommes. Et elle est rare. En plus, je crois que cela demande, parmi l’injure (sexisme), le viol, le meurtre, de parler du harcèlement. Dans les plaintes #MeToo, c’est une incrimination innombrable. Je ne pouvais imaginer que tant de mains baladeuses masculines franchissent la zone d’intimité d’une personne. Comme des pickpockets, ils se servent sans égard à la personne qui subit. c’est déjà une perversion odieuse et délictuelle.  C’est pourquoi il faut interpeller tous les hommes. Car un million d’hommes en France, c’est à peu près 1/16e, soit 6,5 % des hommes. C’est peu et c’est beaucoup trop !

***

Deux « faits divers » dans l’actualité de cette semaine en Belgique illustrent la banalité des violences masculines dans le couple et l’inefficacité des mesures judiciaires et policières. C’est au mouvement des femmes, et notamment la manifestation de ce 24 novembre, que nous devons l’attention améliorée des médias pour ce type de faits.

A Couvin (sud-est belge), un homme violent multirécidiviste est condamné à trente mois avec sursis (non prévu en cas de récidive !) seulement :

A 24 ans, Louis (Couvin) a déjà été condamné en 2015 à une peine de travail de 120h et en 2016 et 2017 à quatre mois et un an avec un sursis probatoire pour des coups sur sa mère. Ce mercredi matin, c’est pour de nouveaux faits de violence, à l’égard de sa compagne enceinte cette fois, qu’il a comparu devant le tribunal correctionnel de Dinant. C’était entre octobre 2018 et février 2019. La victime a accouché prématurément une semaine après le dernier fait. On parle de coups, de brûlures de cigarette, etc. « Il y avait des tensions dans notre couple et de la jalousie de part et d’autre. On en venait aux mains tous les deux », a expliqué le prévenu à l’audience. Le fait que sa compagne soit en pleine grossesse ne l’a toutefois pas empêché de se montrer violent. Complètement sous son emprise, la victime n’a pas déposé plainte. C’est le propriétaire de l’immeuble dans lequel ils habitent qui l’a fait pour elle. « Ce dernier occupe l’étage du bas et a été interpellé de voir à plusieurs reprises que la dame présentait des tuméfactions au niveau du visage. Lorsqu’il lui demandait comment elle se blessait, elle répondait qu’elle se cognait. Elle a aussi parlé de griffures de chat ou d’accident d’équitation. Mais, régulièrement, il entendait des cris et des bagarres. Une autre voisine qui entendait aussi des cris a un jour assisté à une scène de coups. Monsieur était sur elle et la frappait pendant qu’elle était au sol », explique le parquet de Namur. Louis a finalement été placé en détention préventive après une nouvelle scène de coups le 21 janvier 2019. Sa compagne était enceinte de six mois. Libéré notamment à la condition de ne plus entrer en contact avec la victime, il l’a à nouveau frappée le 17 février 2019. Une semaine plus tard, elle accouchait prématurément. « Madame est née en 2000. Elle a perdu sa mère en 2010 et son père en 2016. Elle l’a rencontré lorsqu’elle était orpheline. Elle est complètement sous son emprise. Elle lui a par exemple prêté 18.000€ pour qu’il achète des quads et compagnie. Elle a écrit au juge d’instruction afin qu’il soit libéré car elle dit n’avoir que lui… », a conclu le parquet de Namur qui demande deux ans de prison ferme, explique La Dernière Heure. D’autres journaux, moins complets, précisent que « Placé en détention préventive à la suite d’une nouvelle scène de coups sur sa compagne alors enceinte de six mois le 21 janvier 2019, le prévenu a été libéré sous conditions quelques jours plus tard. L’une de ces conditions était de ne plus entrer en contact avec la victime. Mais le 17 février 2019, il a été l’auteur de nouveaux faits de violence conjugale. « Il y avait des tensions dans notre couple et de la jalousie de part et d’autre. On en venait aux mains tous les deux », a expliqué le prévenu à l’audience. Son avocate a plaidé le sursis probatoire.

Et le jugement intervenu cette semaine va dans le sens de la plaidoirie de la défense (selon plusieurs journaux) :

Un Couvinois a écopé, mercredi devant le tribunal correctionnel de Dinant, d’une peine de 30 mois de prison avec sursis probatoire pour des faits de coups et blessures commis à l’encontre de sa compagne enceinte, entre octobre 2018 et février 2019 à Couvin. Le tribunal a notamment tenu compte du mépris du prévenu pour sa compagne, vulnérable et enceinte au moment des faits ainsi que de ses antécédents judiciaires : une peine de travail de 120h en 2015 et à quatre mois et un an avec un sursis probatoire à chaque fois pour avoir porté des coups à sa mère en 2016 et 2017.

C’est donc un sursis probatoire qui a été à nouveau octroyé, ce qui est plus qu’étonnant, et qui ne tient pas compte des échecs précédents et du non respect de l’interdiction de reprendre contact avec sa compagne. Voilà une tolérance très étonnante. D’autant qu’on apprend par le parquet que la jeune femme reste « sous emprise » : les ingrédients d’un nouvel échec sont réunis !

Deux jours plus tard, soit ce 27 novembre , un « féminicide » est rapporté (il y a progrès médiatique par rapport au titre traditionnel du « drame passionnel », et c’est aussi dû à la récente mobilisation des femmes, alors que le mot était souvent décrié) :

Féminicide à Assesse (à deux pas de Couvin) : une femme tuée par son compagnon, connu pour des faits de violence

Le parquet de Namur vient de le confirmer. « Cette nuit, une femme de plus est morte sous les coups de son compagnon.  » a confirmé le procureur du Roi de Namur, lors d’une conférence de presse organisée cet après-midi. L’autopsie a révélé que le femme était décédée à la suite des coups portés contre elle. Les enquêteurs sont descendus sur place en fin de nuit, alertés par l’auteur présumé. Le corps de la victime a été découvert vers cinq heures du matin par les services de secours, au domicile de son compagnon et de sa mère situé rue de la Gendarmerie, à proximité immédiate de l’administration communale. Dans le quartier, les habitants ne se disent pas très étonnés: « Ils se disputaient souvent… » confie une voisine. « Le compagnon de la victime présente de nombreux antécédents judiciaires, notamment pour des faits de violence sur la victime« , précise le parquet. Il est connu de la justice depuis septembre 2018. L’individu a été placé en détention préventive durant 5 mois avant d’être finalement libéré le 3 octobre dernier.

Deux anecdotes « ne font pas le printemps ». Eh oui, en cherchant ces textes des médias, je suis retombé des féminicides d’aout, de juillet…. Et dans les deux cas cités ici, c’est l’inefficacité des actions de la police et de la justice qui saute aux yeux.

Il y a encore du boulot !

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Les « vrais hommes » se doivent d’être sans pudeur

C’est un fait « divers », fait de société et info sportive, qui m’a interpellé. Il m’a fallu travailler pour aboutir à cette réflexion.

Des jeunes sportifs ont été sanctionnés (« privés d’entraînement », donc exclus temporairement) dans un club de football de la région anversoise (Le Soir du 16 novembre 2019). Parce qu’ils avaient refusé de se doucher nus. On apprend qu’il y avait dans le règlement du club une obligation en ce sens « pour des motifs d’hygiène ». Et qui s’appliquait aux « équipes de jeunes » également, soit dès 10-12 ans ou même moins. Puis on avait retiré la mesure durant quelques années, et elle a été restaurée à la rentrée de septembre. Des jeunes s’y sont refusé (d’où la sanction) et d’autres s’en sont plaint, ce qui a amené les parents à protester. Conciliants pourtant, ceux-ci demandent que la mesure soit reportée d’un an (les transferts à un autre club ne se font pas en cours d’année, la « propriété » des joueurs par le club l’interdit !). Le club s’est donné 15 jours de réflexion en suspendant l’obligation.

Il apparaît du reportage que cette obligation est abandonnée depuis longtemps dans d’autres clubs. « Il s’agissait d’une pudeur souvent liée à la culture et à l’origine du joueur. Mais cela m’énerve qu’on y oppose une question d’hygiène. Si un garçon garde son slip sous la douche, je sais qu’après au moins, il le change. Ce qu’il faut, c’est protéger les jeunes, leur laisser le choix. Et ce n’est pas un enjeu de diversité mais seulement d’adolescence, de peur des moqueries », dit l’entraîneur de jeunes Mohammed Ouahbi, au célèbre club bruxellois d’Anderlecht. (Or le club anversois de Berchem Sport se réclamait de « discussions avec plusieurs imams » pour pouvoir maintenir l’obligation de nudité « concernant les moins de 16 ans »).

Cela m’a évoqué un souvenir de jeunesse. Dans un club d’alpinisme, j’avais à 18 ans été choqué par l’impudeur de deux hommes nus en grande conversation dans un vestiaire collectif, sans se cacher aucunement.

Dans l’apparence des sexes masculins, intervient aussi la circoncision, ne l’oublions pas. Si elle est « culturelle » pour certains, j’avais été très jeune traumatisé par une circoncision « médicale » peu ou pas légitimée. Dans ma vie d’adulte, j’ai toujours fait preuve de « discrétion » dans les vestiaires sportifs.

C’est connu : les vestiaires sportifs sont un haut lieu de camaraderie virile. On se montre, on chahute en groupe. Les moqueries fusent, la domination des plus forts et le mépris des faibles s’exprime. C’est la compétition stupide entre mâles sur leur « degré de virilité ». On retrouve l’idée des « échelles (symboliques) de virilité » qui s’imposent aux mâles humains, selon l’image de John Stoltenberg, que j’ai expliquée dans de précédents articles.

L’obligation de nudité serait donc une part de la culture masculine collective : manifester la vigueur de son sexe. Il y a des caches-sexe de cérémonie dans certaines tribus ; la cravate est un relent de célébration du sexe masculin (déroulez le nœud, et votre sexe est « habillé »).

Les « danses » des vestiaires de sport sont viriles et en même temps homophobes, anti-sexuelles. Il faut rire et faire violence, ne laisser vivre aucune émotion. Ne même pas rougir ! Pratique réservée aux sports collectifs donc, impensable dans les sports à deux (tennis, etc.).

Pour certains hommes (dont mes deux alpinistes), l’impudeur est acquise : ils se montrent, ils ne se cachent pas (nous étions en 1964). Ce fut un des leitmotivs issus de la libération (sexuelle) de mai ’68 : les parents peuvent être sans pudeur devant leurs enfants, etc. Il y a un retour de pudeur ensuite, aujourd’hui aggravée par la publication de photos intimes sur les réseaux sociaux : vous êtes priés de laisser les téléphones à l’entraineur avant d’entrer au vestiaire de foot, apprend-on !

En principe, un peu de pudeur est de mise… sauf dans une danse ostentatoire et collective. Et cette danse est sûrement aussi en jeu dans les viols collectifs, en bande : on fait preuve de virilité « entre nous » en brutalisant un objet sexuel méprisé.

Les « vrais hommes », les hommes formatés à l’école de la virilité, se doivent d’être sans pudeur. Dans ces moments de cérémonie virile, de camaraderie et de compétition et de non-émotion.

C’est ce qui est manifesté dans ce règlement typique des clubs de football : le sport doit formater les hommes. Il n’y a aucune nécessité d’hygiène là-dedans, mais une religion de la virilité, imposée par les dirigeants (mâles) du sport collectif.

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